Dans le courant du mois de mai 2004, une équipe de l’Institut National de Recherches
Archéologiques Préventives, emmenée par Denis Gaillard, sonde
le terrain sur le terrain du futur contournement de Cambrai.
Au beau milieu d’un champ qui fut longtemps une pâture, quatre
sépultures apparaissent au grand jour, quatre soldats Allemands de
la Première Guerre Mondiale. La fouille minutieuse révèle alors des
détails émouvants : un peigne, une fourchette, un couteau, un
miroir, un bout de ficelle, un petit crayon à l’encre violette,
celui même qu’ils utilisaient pour écrire et rassurer leur famille.
Il y a aussi le casque, le masque à gaz, les boutons, les bottes
rongés par 86 années passées sous terre… et la multitude de petits
éclats d’obus, ceux là même qui leur ont ôté la vie en une fraction
de seconde.
Une des priorités est de trouver les
plaques d’identités. Malheureusement, deux seulement seront
retrouvées. C’est ainsi que l’on met un nom et un prénom sur les
restes d’Heinrich Myrthe et d’ Hermann Wittig. Les deux autres
soldats, eux, resteront des anonymes.
Portrait d'Heinrich Myrthe
Heinrich Myrthe est un soldat du 163ème Régiment
d’infanterie, 2ème Compagnie, de la 17ème
Division de Réserve. Il est né à Gelsenkirchen le 3 juillet 1894 et
à 5 frères et 6 soeurs. Depuis août 1914, le 163ème
Régiment se bat sur tous les fronts : Noyon, Soissons, les Flandres,
l’Artois, la Somme en 1916 puis Arras. Du 6 au 15 novembre 1917,
quelques jours avant la Bataille de Cambrai, Heinrich se trouve sur
la Ligne Hindenburg, précisemment sur la Siegfried Stellung,
quelques part entre Le Catelet et Saint-Quentin puis c’est les
Flandres, la Belgique, Soissons, Noyon. Il est titulaire de la Croix
de Fer 2ème Classe qu’il a glanée sur les champs de
bataille. Finalement, il revient sur la ligne Hindenburg, à Cambrai,
sur la deuxième position de défense appelée Ligne « Marcoing » car
Anglais et Canadiens mènent depuis le 27 septembre une offensive de
grande ampleur. Bourlon est tombé au prix de lourdes pertes. Le
barrage d’artillerie se rapproche et c’est là, aux portes de
Cambrai, le 28 septembre 1918, qu’un obus le fauche en pleine
jeunesse, à l’âge de 24 ans.
Fontaine Notre Dame et le nord de la Ligne « Marcoing » sont tombés
mais les Canadiens sont exténués. Le combat cesse le 30 septembre.
Il ne reprendra que le 8 octobre et cette fois le succès sera
complet. Cambrai sera libéré.
Durant cette brève
semaine de répit, on enterre les morts. Pour eux, la guerre est
terminée. Heinrich a le temps d’être inhumés, à la hâte certes, mais
il repose désormais dans la terre du Cambrésis, dans une pâture de
Petit-Fontaine, là où il est tombé, criblé d’éclats d’obus, avec
trois de ses camarades. A ses côtés, un jeune de tout juste 20 ans :
Hermann Wittig.
Hermann est natif de Bochum. Il est né
le 11 janvier 1898. Sans emploi, il est incorporé le 17 novembre
1916 au 51ème Régiment d’Artillerie stationné à
Strasbourg, faisant lui même partie de la 220ème Division
d’Infanterie. Le 27 septembre, son régiment arrive en renfort sur la
ligne Hindenburg pour défendre cette ligne réputée imprenable. Le
lendemain, Hermann est tué.
Au lendemain de la guerre,
l’emplacement précis des quatre sépultures est perdu. Pourtant, à
Bochum, on sait que le fils Wittig, celui qui habitait sans doute
encore chez ses parents au 9 Mauritius Straat, est tombé le 28
septembre 1918 à Proville, au sud-ouest de Cambrai.
En
mai 2004, 86 ans après, ses restes sont mis au jour. Impossible
pourtant de prévenir la famille. Wittig est un nom très commun en
Allemagne. Ils sont plus de 600 portant ce nom a avoir perdu la vie
au cours des deux guerres mondiales. Ils sont plus de 30 à porter ce
nom et à habiter Bochum.
Pour Heinrich Myrthe, la
recherche est plus facile. C’est un nom très rare. La famille est
prévenue et c’est elle qui nous a fait parvenir les photos
présentées à l’exposition et pour cela, nous tenons à remercier M.
Hans-Peter Myrthe. Ce dernier nous apprendra que la sœur d’Heinrich
Myrthe, Grete, née en 1910, s’est éteinte en mars 2004, quelques
mois à peine avant que le corps de son frère ne soit retrouvé.
Tombe d'Heinrich Myrthe
Il restait à donner à ces quatre soldats une sépulture
définitive. Une autorisation exceptionnelle sera accordée par le
Service d’entretien des Sépultures Militaires Allemandes de Kassel
pour une inhumation au Cimetière Militaire Allemand de Cambrai.
Autorisation d’autant plus exceptionnelle que d’ordinaire, tous les
soldats retrouvés récemment sont inhumés au Cimetière de La Brie
près de Verdun, seul encore officiellement ouvert en France.
Une cérémonie religieuse s’est donc déroulée le samedi 17
juillet à la Chapelle Notre Dame de Schoenstatt de Thun Saint-Martin
avant l’inhumation au Cimetière de Cambrai en présence de nombreuses
personnalités, de jeunes Allemands de l’Association « Réconciliation
par-dessus les Tombes », d’une délégation Militaire de cette même
association et des Sociétés Patriotiques de Cambrai qui souhaitaient
rendre un dernier hommage à des soldats, des combattants victimes de
la Grande Guerre, fussent-ils à l’époque des ennemis.
Philippe Lafarge